Article du 30 juin paru sur Aleteia.
Du 1er au 9 juillet, une neuvaine de prière est organisée à l’occasion du 225e anniversaire du martyre des 32 bienheureuses martyres d’Orange (Vaucluse) afin de demander leur canonisation. Aleteia a rencontré le père Hubert Lelièvre, nommé postulateur de la cause fin novembre 2018.
« Nous remercions nos parents qui nous ont engendrées sur la terre. Aujourd’hui, c’est à vous que nous devons tout car vous nous engendrez pour le ciel ». C’est avec ces paroles adressées à leurs persécuteurs, en chantant et en priant que 32 religieuses sont montées à l’échafaud pour y être guillotinées entre le 6 et le 24 juillet 1794 dans la ville d’Orange. Un comportement remarquable qui fera dire à leurs bourreaux « Ces bougresses là meurent toutes en riant »…
Ce tragique épisode de la Révolution française n’est pas sans rappeler celui du martyre des Carmélites de Compiègne, source d’inspiration pour de nombreux artistes et immortalisé par Georges Bernanos dans sa pièce Le dialogue des Carmélites. Persécutées et martyrisées en raison de leur foi, les 32 religieuses dont 29 venaient de Bollène, ont été béatifiées le 10 mai 1925 par le pape Pie XI et leur fête liturgique fixée au 9 juillet. Cette année, presque un siècle après leur béatification, la neuvaine de prière qui accompagne la fête revêt un caractère particulier : elle commémore le 225e anniversaire du martyre des bienheureuses et s’inscrit dans l’espoir d’une future canonisation.
Aleteia : Les archives dans lesquelles est reporté le martyre des religieuses témoignent d’un comportement tout à fait exceptionnel.
Père Hubert Lelièvre : Accusées « d’avoir voulu détruire la république par le fanatisme et la superstition », elles ont toutes refusé de renier leurs convictions religieuses, ce qui leur aurait pourtant évité la peine de mort. Jusqu’au bout, elles ont manifesté une foi inébranlable, elles chantaient et priaient, l’une d’elles a embrassé une marche en montant à l’échafaud, une autre a distribué des dragées à leurs persécuteurs… Leur conduite, le respect dont elles ont fait preuve envers les personnes qui les envoyaient à la mort témoignent d’une extraordinaire liberté intérieure et montrent que rien ne peut éteindre la voix de l’âme. Elles sont un soutien et un encouragement pour tous. Après leur mort, les corps ont été jetés dans des fosses communes. Même après que tout cela ait été terminé et que les fosses aient été comblées, le paysan qui travaillait les champs a respecté le lieu et n’a jamais rien voulu y planter. C’est sur l’une de ces fosses qu’a été construite la chapelle du Gabet dans les années 1830. Depuis, chaque année, des centaines de personnes viennent y prier et confier leurs intentions.
Dans ce contexte, la prochaine neuvaine prend donc une valeur tout à fait spéciale ?
Effectivement. En plus d’honorer nos Bienheureuses à l’occasion du 225e anniversaire de leur martyre, nous voulons demander la grâce d’un miracle qui les conduirait à la canonisation. Nous sommes tous invités à prier les bienheureuses et à donner notre témoignage à la postulation. Tout ce qui peut faire aboutir notre cause est bienvenu : témoignages écrits de grâces, de faveurs reçues par l’intercession des bienheureuses, livres, images, documents les concernant. Nous cherchons aussi à nous mettre en contact avec leurs familles et à savoir où elles sont priées dans le monde (chapelles, familles, paroisses, scoutisme, pèlerinage…) Nous avons déjà organisé le 4 mai le premier pèlerinage pour la cause et auparavant, nous avions planifié une grande prière en France et à travers le monde, à l’occasion de la Journée Mondiale du Malade, le 11 février dernier. J’ai également sollicité toutes les maisons des Petites Sœurs des Pauvres afin qu’elles demandent à leurs communautés de prier les bienheureuses. Je crois beaucoup à la force de ces prières.
Comment cette demande de canonisation s’inscrit-elle dans l’actualité ?
Elle s’y inscrit à double titre. D’abord, bien que ces évènements aient eu lieu il y a plus de deux siècles, ils font écho à ce qui se passe aujourd’hui dans le monde. Partout, on assiste à une recrudescence des atteintes à la liberté religieuse et des persécutions de chrétiens qui rendent beaucoup plus proche le récit du martyre des religieuses d’Orange. Même intolérance, mêmes accusations, mêmes simulacres de tribunaux et de jugements quand ce n’est pas un assassinat pur et simple… on a l’impression que rien n’a évolué depuis deux siècles ! D’autre part, on observe depuis une dizaine d’années un regain de dévotion à la chapelle du Gabet, à quelques kilomètres d’Orange où est célébrée chaque année, le 9 juillet, la fête liturgique des bienheureuses martyres. Les gens viennent de toute la France et désormais, même de l’étranger. Nous attendons cette année plusieurs familles de différents pays qui ont une des sœurs parmi leurs ancêtres. Tout cela vient en renfort de l’intérêt et de la ferveur locale, les Sacramentines1 étaient tout de même installées à Bollène depuis 1725. Le monastère du Saint-Sacrement a dû fermer en 1988 mais les sœurs étaient très aimées et appréciées de la population.
La canonisation est la cérémonie la plus solennelle de l’Église. En 2016, le pape François a canonisé le frère Salomon Leclercq, premier saint de la Révolution Française. Si notre cause aboutit, les 32 bienheureuses martyres d’Orange constitueront le premier groupe de martyrs de la Révolution déclaré saint.
Programme de la neuvaine : https://www.canonisation-32-martyres-orange.fr/Neuvaine-aux-32-Bienheureuses-Martyres-d-Orange.html
[1] Les sœurs guillotinées en juillet 1794 appartenaient à différentes congrégations : 16 ursulines, 13 sacramentines, 2 cisterciennes, 1 bénédictine, la plupart d’entre elles venaient de Bollène.